Carroll - Dialogue entre l' huître et l'autruche - Le Soir - 22-10-1990. 7

 

 

Schoenberg - Pierrot Lunaire – Diapason - 03-1992. 8

 

 

  Schoenberg - Pierrot Lunaire - Télérama - 04-03-1992. 9

 

  Eisler -  Chansons - Le Monde de la Musique - 05-1995. 10

 

      Poulenc - Babar  -  Repubblica - 12-12-2002. 11

 

Ravel - L'Enfant et les Sortilèges - Opéra International -  03-2001. 12

 

 Ravel - L'Enfant et les Sortilèges - Le Monde de la Musique - 03-2001. 13

 

 Sciarrino  -   Lohengrin  -  Le Monde - 24-05-2001. 14

 

Logo FIGARO  Pauset - Symphonie II La Liseuse - Festival d'automne Paris -Le Figaro - 10-11-2003  15

 

 Aperghis - Dark Side - Maerzmusik Festival de Berlin –Libération -  23-03-2004. 16

 

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  Ibsen - Peer Gynt  -  Le Soir -   17-11-2003. 17

 

  Ibsen  - Peer Gynt  - Le Monde -  21-01-04. 18

 

Revenir à l'accueil Wagner « der fliegende Holländer », La Monnaie, La Libre Belgique 08-12-2005. 19

 

 

Carroll - Dialogue entre l' huître et l'autruche - Le Soir - 22-10-1990

 

 

Deux reines et un enfant pour un dialogue étrange et farfelu, où le chant seul semble permettre de franchir toutes les barrières.

Passez donc de l' autre côté du miroir

Après sa création à Marseille et un passage au Festival au jeune théâtre, le projet de Marianne Pousseur s' installe pour trois semaines à l'Atelier.

 

De Lewis Carroll à Bor­ges, le passage « de l'autre côté du mi­roir» a toujours fasci­né artistes et intellec­tuels. Dans le même temps, cet improbable voyage dans un uni­vers parallèle fait rêver depuis des siècles des générations d'en­fants s'échappant dans l'imaginai­re. Avec le « Dialogue entre l'huître et l'autruche ", le discours in­tellectuel sur le reflet' croise l'émerveillement enfantin dans un , spectacle féerique et touchant, le côté merveilleux 'l'emportant nettement sur la partie plus « réflé­chie» du spectacle.

Ce projet de Marianne Pousseur,. Sous-titré «Comédie-reflet en un acte et sept réflexions d'après Lewis Carroll », donne essentielle­ment la parole à ces habitants du miroir, forcés de réfléchir sans cesse une réalité qui n'est pas la leur. Au fil du temps, ces derniers ont de plus en plus de mal à accepter cette condition d'escla­vage et souhaitent vivre leur pro­pre vie. Ce qui, bien entendu, ne va pas sans mal. S'ils peuvent s'offrir quelques périodes de re­pos, une petite musique les rap­pelle régulièrement à l'ordre, les obligeant à reprendre leurs rôles. C'est dans cette ambiance de re­vendications et de menaces de grève larvées que le petit Kevin se retrouve d'un seul coup de l'autre côté du miroir. Rêve ou réalité, féerie ou tragédie (un enfant a disparu et Kevin évoque une pos­sible noyade), nul ne le sait.

Dans un décor de guingois évo­quant un vaste échiquier aux ca­ses décalées, trois personnages jouent leur rôle. Les deux femmes s'activent tandis que l'homme trot­te à perdre haleine dans une gi­gantesque roue. Image superbe. Au premier plan, un enfant obser­ve l'action. Les femmes se parlent mais aucun son ne sort de leur bouche. Les habitants du miroir reflètent les images, pas les sons. Au bout d'un moment, c'est la pause. Le trio se débarrasse de ses oripeaux pesants évoquant le XIX- siècle anglais, et retrouve pour quelques minutes sa liberté.

C'est durant ces espèces de temps libre que le jeune Kevin pourra faire connaissance et dia­loguer avec ces trois étranges personnages : la reine rouge, la reine blanche et sa majesté le professeur. Si les deux femmes se montrent tour à tour douces, drôles ou étranges, sa majesté le professeur est manifestement l'in­tellectuel de la bande. Parlant sans cesse, théorisant sur la pro­blématique du miroir et de la vie propre de ses occupants, tenant de longs raisonnements emberlifi­cotés, il tente de faire valoir le point de vue des habitants du miroir prêts à faire voler en éclats les bonnes vieilles habitudes de la réflexion. Drolatique à certains moments, le personnage interpré­té par Ryszard Turbiasz est peut-être le plus riche et paradoxale­ment le moins maîtrisé du specta­cle. Ses longs discours reflètent manifestement une bonne part des préoccupations des auteurs mais ils sombrent trop souvent dans la redite et le prévisible, empêchant le spectateur de se passionner pour les questions pourtant intéressantes posées par son discours. Les réflexions toutes simples et terriblement logiques de Kevin viennent heureu­sement remettre les choses en place avec humour et les empor­tements du professeur deviennent au bout d'un moment sujets d'amusement pour tout le monde.

 

Le décor superbe joue ici un grand rôle, nous entraînant dès le départ dans un monde différent, décalé. Les éclairages d'Enrico Bagnoli et la musique envoûtante de Denis Pousseur y sont aussi pour beaucoup, de même que le formidable travail sur le son de Dominique Baguette. Mais le plus fascinant reste les dialogues en­tre Kevin et les deux reines préfé­rant souvent s'exprimer par le chant. Et là, Marianne Pousseur et Simonne Moesen sont évidem­ment dans leur élément. On l'a, déjà dit et répété, mais le travail vocal de ces deux-là est une pure merveille. Qu'elles chantent en nous rejouant la danse des petits pains de Chaplin ou qu'elles diva­guent sur des comptines d'appa­rence anodine mais pleines d'hu­mour et de surprises, elles nous emmènent instantanément dans un monde de rêve et de fantaisie. Les textes de Lewis Carroll et Alain Keseman, Kevin le plus souvent en anglais, sont de petites merveilles qui mériteraient largement de nous être révélées. Marianne Pousseur et Simonne Moesen, mêlant leurs voix avec une grâce infinie, leur donnent vie et éclat de manière incomparable. Et ces ritournelles inconnues continuent à vous trotter dans la tête longtemps après la fin du spectacle. Une fin qu’on se gardera bien de révéler pour préserver la surprise de très belles images clôturant ce voyage étonnant et féerique dans un monde irréel.A l'Atelier rue des Tanneurs, du 25 octobre au 17 novembre

 

Schoenberg - Pierrot Lunaire – Diapason - 03-1992

 

 

Schoenberg

 

Pierrot Lunaire, première symphonie de chambre (transcription Webern)

Marianne Pousseur (voix), Ensemble Musique oblique, Philippe Herreweghe (direction)

 

S'il est un disque événement, c'est bien celui-là. Et pas seulement parce qu'on y croise Philippe Her­reweghe, l'homme des grandes machines vocales baroques, sur les rivages ascétiques du Pierrot Lunaire, l’œuvre qui, lors de sa création à Berlin, en 1912, donna le coup d'envoi de la modernité. Comme il travaille à rendre plus expressif le stile espressivo de Monteverdi, Herreweghe s'est pen­ché, sans plus de complexe ni d'a priori, sur les mystères du Sprech­gesang, technique du « parlé­/chanté» sur laquelle Schoenberg n'a pas laissé de consignes bien claires. Sinon que la version du Pierrot qu'il dirigea lui-même en disque en 1940 opte pour l'expres­sionnisme « cabaret allemand»,

Chanteuse (et membre du Colle­gium Vocale) Marianne Pousseur (fille du compositeur) est aussi une actrice. Qui a monté l'an passé, dans une mise en scène de sa sœur lsabelle, un Pierrot lunaire filmé par la télévision belge et déjà dirigé par Herreweghe. Elle ne craint pas d'exposer sa voix à tous les excès (cris, gémissements) retrouve quand il le faut une rhé­torique vocale ancienne (grelots. hoquets), pour une théâtralisation radicale du texte, ni «parlé» ni « chanté» mais joué, corporelle­ment. Le passage de la première partie à la seconde marque, à la simple audition, le basculement dans l'excès, dans l'hystérie. Des visions cauchemardesques sont délivrées à voix nue. Le dénoue­ment - détour fugitif par le chant : parfum d'enfance retrouvée - est bouleversant.

1 CD Harmonia Mundi, HMC 901390. A. R.

 

 


 

  Schoenberg - Pierrot Lunaire - Télérama - 04-03-1992

 

 

 

Marianne Pousseur, cruelle et douce, géniale.

 

Le miel de Marianne

 

C'est une commère en colère, c'est une rosière qui se désespère, c'est une pute qui chahute, c'est un travesti inouï, c'est une lionne qui rugit, c'est une amoureuse qui gémit, c'est la reine de la nuit, c'est Pierrette que a perdu Pierrot - c'est Marianne Pousseur qui arrive à son heure pour nous donner du sulfureux Pierrot Lunaire l’une des interprétations les plus provoquantes, les plus insensées, les plus habitées et tragiques que l'on ait entendues jusqu’ici.

C'est Lolita qui glousse et susurre, c'est la «  Madone des hystéries » qui chuinte et qui éructe. C'est une descente aux enfers, c'est dans un cabaret moisi L’enfance qui s'enfuit. C'est, on le sait, l'une des partitions-clés de la musique du XX' siècle avec sa litanie des vingt et un poèmes d'Albert Giraud réclamant une instrumentation d'une variété poussée à ses extrémités et une voix qui ne soit ni celle d'une chanteuse, ni celle d'une diseuse, mais qui englobe les deux en un « chanté-parlé » (Sprechgesang) dont on n'a pas encore fini de s’étonner.

Marianne Pousseur est cruelle, abominable; elle est douce a entendre, c'est du miel. Géniale. Avec elle, L’ensemble Musique oblique que dirige avec beaucoup de véracité stylistique le très baroqueux Herreweghe. Tout doucettement, ce dernier gagne une place enviable dans l’art et la manière de faire vivre la musique de notre siècle. 1 CD Harmonia - Mundi 90139Q - Enreg. Auditorium/Châtelet juillet 91- DDO 57'53-

 

 

Télérama N' 2199 - 4 mars 1992

 


 

 

  Eisler -  Chansons - Le Monde de la Musique - 05-1995

 

 

 

Marianne Pousseur (voix), Kaat De Windt (Piano)

 

1 CD unclassical Sub Rosa SR67 (distribue par Semantic)

Texte de présentation traduit en français Enregistré en 1994 - Minutage : 45' DDD - Technique : 8 - Prix : 156 F

 

Remarquée pour son interprétation du Pierrot Lunaire de Schoenberg (Harmonia Mundi) et des oeuvres vocales de Scelsi (Sub Rosa), Marianne Pousseur est l'une des rares chanteuses a interpréter Eisler avec autant de talent que Gisela May (Wergo), Dagmar Krause (IslandAntilles, upprimé) et Kate Westbrook (Line). Dans la célèbre Ballade von der « Judenhure » Marie Sanders (« Ballade de la "putain à juifs" Marie Sanders »), elle crée en quelques minutes un théâtre aux multiples expressions. Elle ouvre un monde désillusionné dans Hotelzimmer 1942, sonne le canon dans Panzerschlacht ou dénonce la misère des temps de guerre dans « über den Selbstmord ». Le piano de Kaat De Windt est lui aussi d'une expression souveraine. Pour l'interprète, « la musique d 'Eisler est plus qu 'un accompagnement du texte de Brecht : elle le complète, le développe et parfois le contredit, dans un extraordinaire dialogue dans lequel le poème est toujours exalté ». Puisse ce disque contribuer à la reconnaissance d'un compositeur mésestimé. 

 

Franck Mallet

Le Monde de la Musique 1995

 

 


 

 

         Poulenc - Babar  -  Repubblica - 12-12-2002

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Ravel - L'Enfant et les Sortilèges - Opéra International -  03-2001

 

 

Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli, les concepteurs du spectacle, ont choisi d'aborder la délicieuse «fantaisie lyrique » de Ravel à travers les yeux de l'Enfant, un enfant universel, confronté à ses peurs nouvelles et ancestrales. Un enfant qui se heurte, pour la première fois, à la vie dans toute sa complexité, avec ses contradictions extrêmes, ses choix, ses sourdes et constantes zones d'ombre...

La haute silhouette de Maman, en­ceinte (un rival ?), se détache massive et inquiétante, comme une ombre chinoise, porteuse certes d'une future vie, mais si angoissante en cet état. Alors, l'Enfant boude, se révolte, s'empresse de désobéir pour mieux se faire remarquer, se venge sur ses jouets, ses lectures, les animaux qu'il côtoie, les végétaux... Mais, inévitablement, tout bascule, l'initiation est rude, blessante, salvatrice enfin. L'Enfant émerge dans toute son innocence d'origine... Un en­fant, tout simplement!

Dans cette approche, le texte de Co­lette semble renouer avec sa fraîcheur première. Le caractère ludique de l'opéra - celui qui s'impose en général presque systématiquement -, disparaît au profit d'un monde où la fantasmagorie a choisi de régner. L'Enfant apparaît presque écrasé par cet écran géant qui décuple les personnages, démultiplie les objets et les fait danser sans logique, en mélan­geant le tout avec extravagance.

Le jardin, pour sa part, montre un univers confiné, circonscrit en fond de scène par de multiples cages et cla­piers. La conquête de la liberté sera pour l'Enfant semée d'embûches, mais les animaux, comme les végé­taux, possèdent eux-mêmes une âme pure et tout rentrera dans l'ordre... jusqu'à la prochaine alerte.

 Au pu­pitre, Oswald Sallaberger a montré une réelle inspiration et une vraie hauteur de vues. Il aime assurément la musique de Ravel, et il le prouve.


 

 

 Ravel - L'Enfant et les Sortilèges - Le Monde de la Musique - 03-2001

 

 

 

Le Monde de la Musique n.252 Mars 2001


 

 Sciarrino  -   Lohengrin  -  Le Monde - 24-05-2001

 

 

LOHENGRIN, de Salvatore Sciar­rino - PARTS, de Hanspeter Kyburz. Par Marianne Pousseur (voix), Patrick Blauwart (comédien), Axe 21, Ensemble interCon­temporain, Jonathan Nott ,(direc­tion), Jean-ClaudeBerutti (mise en espace), Rudy Sabounghi (costu­mes). Cité de la musique, le 22 mai 2001

 

On peut, voir dans le « Lohengrin »(1982-1984) de_Salvatore Sciarrino (né en 1947) plusieurs « spectres » de ce que, par commodité, on ap­pelle le « théâtre musical » : une sor­te de condensé essentiel, un substrat du Lohengrin, de Richard Wagner, dont ne subsisterait qu'une longue plainte en harmoniques, couleur «bleu acier» (comme disait Tho­mas Mann du prélude de l’opéra de Wagner) dans le dernier tiers de la partition (40 minutes environ), fai­sant sonner les intervalles du Big Ben londonien (car il est dit par Sciar­rino lui-meme qu'Elsa est assourdie par le son des cloches) ; un monodra­me dans le souvenir très décalé des femmes proches de la crise de nerfs d'Erwartung, d'Arnold Schoenberg, ou de La Voix humaine, de Francis Poulenc  ,d' après Jean Cocteau, une étude bruitiste dans l'esprit d'un théâtre musical guttural, quelque part entre Peter Maxwell Davis (Huit chants pour un roi fou), Gyorgy Ligeti (Aventures et Nouvelles Aventures) et Dieter Schnebel (Maulwerke).

 

Mais le Lohengrin du compositeur italien est autre chose, une oeuvre singulière, isolée, dont la bizarrerie absolue est préservée, et magnifiée par Une poésie d'un raffinement extrême, au service d'une «action invisible» pour une vocaliste, chan­tant rarement, mais récitant un texte polyphonique où se mêlent deux per­sonnages, Elsa et Lohengrin, sans compter l'inévitable cygne. Bruits de glotte, de salivation, toux, cris d'oiseaux, tous amplifiés de près, comme l'ensemble instrumental requis - lequel, à la Cité de la musi­que, dans la saisissante mise en espa­ce conçue par Jean-Claude Berutti, joue derrière un écran de tulle.

 

Le metteur en scène a placé la chanteuse daris un fauteuil roulant, d'où elle ne s'extrait que quelques instants, pour se poster, tel un oiseau, sur le bord de l'estrade. La chanteuse et comédienne belge est une Ophélie hallucinée, prostrée comme à l'intérieur de ses cavités buccales et résonnantes. Elle «tient,» de bout en bout ce récit dont bien des aspects grotesques, au sens vrai du terme, pourraient basculer dans le ridicule s’ils n'étaient. vécus avec cette intensité.

 

POÉSIE ETRANGE ET LUNAIRE

 

Quand Vivianne de Muynck, sous la direction scénique, d'Ingrid von Wantoch Rekowski, incarnait cette partie comme le ferait une narra­trice, perversement distante (à la manière des «officiantes » du film Salo, de Pier Paolo Pasolini), au festi­val Ars Musica de Bruxelles (Le Monde du 24 mars), Marianne Pous­seur lui imprime une poésie étrange et lunaire, parfaitement accordée au beau texte programmatique que Sal­vatore Sciarrino a écrit pour l’occa­sion et que lisait, en prologue, le comédien Patrick Blauwart. -Quel­ques lumières seulement, mais jus­tes, une mise en espace minimale, mais exacte (un contexte hospita­lier), une direction précise et poéti­que de la part du nouveau directeur de l'Ensemble InterContemporain, Jonathan Nott, et le tour est belle­ment joué.

 

(…)

 

 

Renaud Machart

 


 

 

 

Logo FIGARO  Pauset - Symphonie II La Liseuse - Festival d'automne Paris -Le Figaro - 10-11-2003

 

 

Christian MERLIN

 

A38 ANS, Brice Pauset est l'un des invités du Festival d'automne 2003 : la création de sa Symphonie II La Liseuse en était l'un des événements, vendredi à la Cité de la musique de Paris. Cela partait d'une bonne intention de mettre en perspective cette nouvelle pièce avec une oeuvre de Couperin, tant il est vrai que Pauset, qui est aussi claveciniste, est l'un de ceux qui posent avec le plus d'acuité la question de la manière dont un musicien d'aujourd'hui filtre les grands modèles du passé sans tomber dans le « néo ». L'idée fit long feu : peut-être parce que la symphonie se prête moins à ce regard croisé, mais surtout parce que l'interprétation par Gaele le Roi et Monique Zanetti des Leçons de ténèbres du mercredi saint, avec Christophe Rousset à l'orgue et le magnifique Atsusi Saka"i à la viole de gambe fut d'un tel ennui et d'un tel manque d'articulation que l'on n'y reconnaissait pas son Couperin.

 

Du coup, la qualité de La Liseuse n'en était que plus saillante, rehaussée par la direction magistrale de Jonathan Nott à la tête d'un Ensemble intercontemporain réparti aux quatre cotés de la salle. A l'heure où la musique contemporaine s'oriente volontiers vers le décoratif, Pauset cultive une forme d'austérité que l'on ne peut s'empêcher de trouver salutaire. Le tableau de Vermeer La Jeune Femme en bleu lui a inspiré trois quarts d'heure d'une musique d'intériorité, qui évoque la recherche solitaire du savoir et du sens. Sur des textes de l'Antiquité et de la Renaissance, deux voix se confrontent puis se mêlent : l'une, parlée (Caroline Chaniolleau), dit les mots de manière intelligible, l'autre, chantée (Marianne Pousseur), disloque le texte. Mais c'est bien cette dernière qui l’emporte, comme si le son pur était plus porteur de signification que les mots. passages instrumentaux et vocaux alternent en une architecture solide et dense, qui va de la naissance d'un rai de lumière à la raréfaction d'un matériau qui s'effondre sur lui-même, les aspérités de l'instrumentation permettant d'échapper au travers du pur contemplatif ­qui guette nombre de musiques de notre temps.

 


 

 

 

 

 

 

 

 Aperghis - Dark Side - Maerzmusik Festival de Berlin –Libération -  23-03-2004

 

 

 

(...)Dans la petite salle de la Philharmonie, Jonathan Nott créait Dark Side, une pièce pour soprano et ensemble de Georges Aperghis inspirée par le personnage de Clytemnestre dans l'Orestie d'Eschyle. Derrière son micro, Marianne Pousseur traduit l'état panique ou apaisé de la psyché de cette héroïne amoureuse et meurtrière. L'influence d'Artaud, mais également des films de Bergman et d'Antonioni construisant un personnage à partir de toutes ses facettes, permet à Aperghis de refuser la linéarité narrative et psychologique : une nouvelle réussite de théâtre mental, après son classique Hamlet-Machine. L'Ensemble Intercontemporain rend justice à cette écriture accidentée, délimitant à partir d'accords multiples et de notes pivots un cadre suffisamment inharmonique pour que l'auteur ne soit happé que par sa voix de feu.(...) /Éric Dahan - Libération 23/03/2004

 

 

 

 

 

 

 

Logo FIGARO  Aperghis - Dark Side - Le Figaro  - 23-03-2004

 

 

 

 

 

 

 

 

(...)Tout a commencé dans la petite salle de la Philharmonie avec la création d'une commande de l'Ensemble Intercontemporain à Aperghis, Dark Side, où le compositeur remonte aux sources tragiques de son enfance dans les pas de Xenakis en puisant dans l'Orestie d'Eschyle. Moderne Clytemnestre, la douce Marianne Pousseur, qui n'ignore rien de l'art de la récitation aperghienne, passe de la petite fille murmurante à la harpie vociférante : elle parle, fredonne, chante parfois et maudit le roi des rois avant de l'abattre en un mélodrame de 25 minutes aux dimensions cosmiques.

(...) Jacques Doucelin - Le Figaro 23/03/2004

 

 

 


 

  Ibsen - Peer Gynt  -  Le Soir -   17-11-2003

 

Voyager, briller, s'éteindre…

Un fascinant bouquet de sensations, d'émotions que le « Peer Gynt » d'Ibsen et Grieg, créé par Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli à la Balsamine. La performance technique (lire nos éditions du 13 novembre) se tisse à l'interprétation des comédiens dans un jeu subtil, rarement illustratif et jamais gratuit. Nos perceptions restent plus subjectives que jamais, à chacun d'enfourcher son propre imaginaire. Le dispositif est simple : des parois translucides, contournables, réceptacles d'images en ondes pulsées analysées, ou filmées et retravaillées en direct sur la scène, des plaques métalliques servant d'écrans percussifs aux « voix cachées », une cloison devenue lit… En scène latérale, un pianiste construit la trame sonore sur de la musique de Grieg, de la simple et émouvante mélodie nue à des cavalcades plus sonores (Johan Bossers).

Dans ce décor, le héros se projette au-delà de lui-même dans une odyssée métaphysique en quête de son « moi », des forêts norvégiennes avec trolls à l'Orient avec asiles d'aliénés. Peer Gynt est mythomane, jouisseur, cynique, lâche, fuyant tout ce qui l'entrave. Sa vie, il la revisite par flashs dans l'interstice entre vie et mort (dramaturgie de Guy Cassiers). La lumière le traverse, en grands oiseaux bleus, elle est peut-être œil qui irise de son plexus ou désintégration d'un visage en négatif ou prison de cordes ou éclipse d'un soleil ou matrice… Elle nimbe d'or les visages féminins, elle lacère en noir et blanc. Lumière abstraite et source d'images et de sens, tout à la fois. Pierre Renaux joue Peer Gynt, avec une certaine nonchalance arrogante qui sied au héros. Il oscille du récit à l'incarnation. Il bouge peu, le voyage est virtuel… Marianne Pousseur habite plusieurs figures dont Solveig, la fiancée diaphane, mais aussi la mère de Peer Gynt.

L'ironie, l'humour pointent aussi

Un geste les signe l'une et l'autre, et des projections brèves de bribes du texte aident à identifier. Elle joue, elle chante (en norvégien) en douce sensibilité, comme venant d'un autre monde. Les voix cachées, non incarnées, sinon en souvenirs flous au-delà des parois, en fin de vie, prennent en chants, en mots, en bruitages diffus le monde sonore de la légende : une présence multiple mystérieuse de Kobe Baeyens, Thaïs Scholiers et Noémie Schellens. L'ironie, l'humour pointent aussi dans ce spectacle flottant entre rêve et cauchemar. Et l'on gardera en mémoire ce seul moment superbe où les interprètes se touchent et dialoguent : la mort de la mère que Peer Gynt entraîne dans une course en traîneau vers un château… comme on raconte un conte à un enfant au chevet du lit. Les amoureux de la musique de Grieg y retrouveront des mélodies, de brefs passages orchestraux, les lecteurs d'Ibsen auront l'envie de retourner au texte intégral, et tel quel, ce « Peer Gynt » est une petite merveille qui après sa création à la Balsamine voyagera beaucoup hors de nos frontières. Ne le ratez pas

Théâtre de la Balsamine (Bruxelles), jusqu'au 22 novembre, tél. 02/735.64.68. Au Singel (Anvers) les 19 et 20 décembre. Téléphone : 03/248.28.28.

MICHÈLE FRICHE

 


 

  Ibsen  - Peer Gynt  - Le Monde -  21-01-04

 

 

ILE-DE-FRANCE De Peer Gynt, tout le monde connaît les morceaux réunis par Grieg dans deux suites d'orchestre à succès. Leur pouvoir évocateur n'a pas échappé aux publicitaires qui, dans des spots télévisés, exploitent fréquemment la pastorale d'Au matin pour la bande-son d'un produit rafraîchissant ou la poursuite de Dans la halle du roi de la montagne pour accompagner une situation haletante. 

 

Cependant Peer Gynt est avant tout une pièce de théâtre d'Ibsen, que l'on donne, parfois, intégralement sur deux soirées et presque jamais avec les trente-deux numéros que compte la partition originale de Grieg. De cette œuvre monumentale, la chanteuse Marianne Pousseur et l'éclairagiste Enrico Bagnoli ont voulu conserver l'impact foudroyant, tout en évacuant les contraintes d'une représentation titanesque.

 

Créée à Bruxelles, le 13  novembre 2003, la version intimiste qu'ils ont imaginée entame une tournée en région parisienne sous l'égide d'Ile-de-France Opéra et Ballet. Elle utilise, pendant une heure, toutes les ressources du théâtre musical avec accessoires (plaques de tôle, petites percussions), voix cachées (phonèmes ou chant a cappella) et vidéo (en direct ou enregistrée). Généralement prolongé plus que réécrit, le texte d'Ibsen sert de base à une série de variations sur la futilité, parfois dans l'esprit de Dino Buzzati (les reproches faits à Peer Gynt sont sériés comme dans la très brève nouvelle Les Journées perdues).

 

Dos à l'écran, d'où va surgir sa vie en flash-back, Peer Gynt expose d'entrée la dualité de son être. Coupé en deux par un éclairage de biais, qui fouette son visage comme la bise du Grand Nord, il apparaît symboliquement comme un personnage au profil net et au contenu fuyant. Derrière lui se met en place un décor à tendance onirique avec des battements d'ailes stylisés à la Folon. Après une ouverture orchestrale enregistrée, le piano de Johan Bossers prend les rênes de l'expression musicale. Les arrangements, d'une exceptionnelle efficacité dramatique, agissent comme la mémoire de Peer Gynt et passent chaque morceau de Grieg à travers un filtre. La vidéo plonge son regard inquisiteur dans le subconscient du héros, "garçon honnête, l'empereur des autres bêtes". La poitrine de Solveig, la fiancée abandonnée, est offerte dans une mare de blancheur laiteuse, tandis que la fille du roi des trolls excite l'imagination par les battements lascifs de ses cheveux de sorcière.

 

Simple et émouvant à l'image de ce spectacle d'une rare profondeur expressive, Pierre Renaux incarne le Peer Gynt en vigueur sous toutes les latitudes avec une touche de Grieg  : il ne lui manque qu'une moustache pour figurer le double du compositeur. Marianne Pousseur, irrésistible, va très loin dans l'art de la métamorphose. Elle commence en mirage (les femmes aimées se fondent dans la mère) et finit en miroir (de l'homme qui voit la mort adoucie par les traits de sa promise délaissée).

 

Pierre Gervasoni

 

Peer Gynt, d'après Henrik Ibsen et Edvard Grieg. Conception et mise en scène  : Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli. Avec Pierre Renaux (Peer Gynt), Marianne Pousseur (différents rôles), Kobe Baeyens, Thaïs Scholiers et Noémie Schellens (voix cachées) et Johan Bossers (piano)

 


Revenir à l'accueil Wagner « der fliegende Holländer », La Monnaie, La Libre Belgique 08-12-2005

 

Un Vaisseau d'anthologie
Nicolas Blanmont

Au-delà d'une scénographie moderne, le nouveau Wagner de la Monnaie joue la carte de la fidélité.
Direction musicale et distribution de premier plan.

Avant même d'être un opéra, le Hollandais volant est un mythe, à telle enseigne qu'on a pris l'habitude de re-lectures freudiennes, politiques ou autres. La première surprise de la production de Guy Cassiers - surtout au regard de ses déclarations, parfois contradictoires, de ces dernières semaines - tient à son caractère extrêmement fidèle. Fidèle non point dans un respect scrupuleux des didascalies, certes, mais bien dans la conception des personnages et dans la façon de raconter l'histoire. C'est là la première vertu d'un spectacle qu'on inscrira dans le livre d'or des meilleures productions de la Monnaie.

Dans cet esprit, chaque protagoniste est parfaitement typé, fût-ce au prix d'une légère accentuation de ses caractéristiques: un Daland simple et gentiment roué, trop ravi de trouver pour sa fille un bon parti (c'est-à-dire riche), un Erik un peu gauche, trop rustre et banal sans doute pour séduire Senta, une Senta éprise d'absolu, amoureuse de l'amour plus encore que d'un homme et un Hollandais taciturne et mystérieux à souhait. Et s'il ne va pas jusqu'à une direction d'acteurs où chaque geste fait sens, Cassiers est homme de théâtre assez expérimenté pour que les chanteurs expriment idéalement les sentiments qui les habitent.

La force du spectacle est aussi dans sa cohérence, construite autour des décors et vidéos indissolublement liés de Peter Missotten et des très beaux éclairages d'Enrico Bagnoli. Dans la cage de scène nue (avec pour résultat quelques effets surprenants de résonance acoustique), deux cales de navires en trompe l'oeil, sorte de radars de tôles cuivrées oxydées et rivetées qui tournent sans fin. L'un plus vaste - le vaisseau fantôme - et l'autre percé de hublots - le navire de Daland. Et pour Senta, un tableau de toile blanche percé d'une porte, comme une plaque de glace qui fond ou se corrode peu à peu pour se faire cuivre elle aussi.

Images préfilmées

Y répondent quelques images préfilmées, vues de mer ou de corps noyés, mais aussi des détails captés en direct et reproduits en agrandissements. Pas de portrait du Hollandais, mais son visage noyé qui occupe tout le fond de la scène. Certes, on pourra gloser sur l'opportunité de certains mouvements des choeurs, depuis ces corps qui se tortillent comme des lombrics coupés en deux pendant l'ouverture jusqu'au twist ralenti du choeur ouvrant le troisième acte, en passant par ces manches de trop grands pulls qui viennent frapper bruyamment le sol ou ces jeux de mains artistiquement réglés dans un rai de lumière. L'idée est celle de vagues humaines dont s'évaderaient Senta et le Hollandais, assez convaincante hormis dans la scène finale où les choeurs tournent en rond comme si Cassiers ne savait plus qu'en faire. Et le problème, si problème il y a, vient moins de la conception scénique - le recours à la danse (deux chorégraphes sont intervenus) n'est pas une hérésie dans des choeurs dont on veut souligner la dimension folklorique - que de la difficulté qu'éprouvent certains choristes à exécuter avec la grâce et l'aisance requises les mouvements demandés. Pour le reste, bien préparés par Piers Maxim, ils chantent avec une cohésion presque sans faille, et sans doute est-ce après tout leur fonction première.

Urgence constante

C'est que le bonheur est aussi musical. Kazushi Ono signe une direction intense et hallucinée: ouverture vigoureuse et contrastée, urgence dramatique constante, capacité de passer d'un même élan de la dimension populaire de l'oeuvre à son versant métaphysique, le tout servi par un orchestre sonore et soudé, avec seulement quelques petites faiblesses du côté de certains vents. Le plateau, lui, est de premier plan: la Senta très claire et très lyrique de Anja Kampe, projection somptueuse et aigu presque impeccable, le Hollandais harmonieux d'Egils Silins, un peu court dans le grave au début mais splendide ensuite, le Daland à la diction parfaite d'Alfred Reiter, voix égale dans tous les registres et legato superbe, ou l'Erik élégant de Torsten Kerl, même si la voix est légèrement voilée. Et si la Mary fatiguée de Jacqueline Van Quaille déçoit, le Pilote de Jörg Schneider est superbe.

La Monnaie, jusqu'au 31 décembre. Webhttp://www.lamonnaie.be  © La Libre Belgique 2005


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